François Villon (3) : Les thèmes poétiques

Il va de soi que la biographie de Villon, trop souvent interrompue d'ailleurs par des zones d'ombre, ne livre pas toutes les clés de sa poésie.
Les thèmes de cette poésie s'inscrivent presque tous dans une longue tradition. Villon n'a nullement été un poète spontané, tout d'instinct. Il avait sa culture de clerc, il savait le latin classique. Il avait lu, plus qu'on ne le dit parfois, et il s'est souvenu de ses lectures à bon escient.
Villon, pour sa plus grande chance et pour la nôtre, a réagi avec une puissante affectivité à la tradition qu'il recevait. L'un de ses secrets d'originalité est là. Poète érotique plus que poète de l'amour, il reste fidèle en quelque sorte à la misogynie du clerc médieval. Mais son attachement au plaisir charnel ne va pas sans un mouvement de pitié et d'admiration pour la beauté périssable "Corps féminin qui tant es tendre, poli, souef, si précieux..." (Le Spectre de la mort(1)). Ici, où les mots sont comme une caresse, le frémissement de sensualité est source de poésie et prête un accent singulier à une thème rebattu. Le mêm frisson parcourt et revivifie le diptyque traditionnel, toujours lourd de vérité humaine pourtant, de le jeunesse et la vieillesse, de la beauté qui émerveille et de la laideur qui horrifie. C'est aussi sur un ton prenant, pénétrant que Villon a su parler du temps qui fuit et de la mort.
Comédie humaine où la matière pèse de tout son poids, l'oeuvre de Villon a aussi une ouverture spirituelle. Cependant, traditionnellement encore, il s'en tient aux vérités du catéchisme : il est croyant pleinement et simplement, car sa faiblesse a besoin de croire. Conscient de ses pêchés, il voudrait le pardon, avant même le repentir. A vrai dire, Villon se présente, assez complaisamment, comme la victime d'un déterminisme astral et du mauvais vouloir de dame Fortune, allégorie dont le Moyen Age a souvent fait tourner la roue capricieuse pour signifier les hauts et les bas de chaque destinée : infléchissant ce concept des vicissitudes humaines, il croit plutôt à la fixité de son guignon pesonnel et trouve là, sans conviction, un semblant d'alibi.
Un autre trait caractéristique de Villon est cette agressivité de sans-le-sou envers les nantis, à ne pas confondre avec une quelconque revendication sociale puisque que l'on sait que lui-même appréciait les avantages que procure l'argent. Par contre, un véritable sentiment de fraternité pour les déclassés, les déshérités, les miséreux, pour "le pauvre vieillard" objet de risées ou pour les filles perdues dont la débauche a souvent commencé par l'amour.
Les thèmes de cette poésie s'inscrivent presque tous dans une longue tradition. Villon n'a nullement été un poète spontané, tout d'instinct. Il avait sa culture de clerc, il savait le latin classique. Il avait lu, plus qu'on ne le dit parfois, et il s'est souvenu de ses lectures à bon escient.
Villon, pour sa plus grande chance et pour la nôtre, a réagi avec une puissante affectivité à la tradition qu'il recevait. L'un de ses secrets d'originalité est là. Poète érotique plus que poète de l'amour, il reste fidèle en quelque sorte à la misogynie du clerc médieval. Mais son attachement au plaisir charnel ne va pas sans un mouvement de pitié et d'admiration pour la beauté périssable "Corps féminin qui tant es tendre, poli, souef, si précieux..." (Le Spectre de la mort(1)). Ici, où les mots sont comme une caresse, le frémissement de sensualité est source de poésie et prête un accent singulier à une thème rebattu. Le mêm frisson parcourt et revivifie le diptyque traditionnel, toujours lourd de vérité humaine pourtant, de le jeunesse et la vieillesse, de la beauté qui émerveille et de la laideur qui horrifie. C'est aussi sur un ton prenant, pénétrant que Villon a su parler du temps qui fuit et de la mort.
Comédie humaine où la matière pèse de tout son poids, l'oeuvre de Villon a aussi une ouverture spirituelle. Cependant, traditionnellement encore, il s'en tient aux vérités du catéchisme : il est croyant pleinement et simplement, car sa faiblesse a besoin de croire. Conscient de ses pêchés, il voudrait le pardon, avant même le repentir. A vrai dire, Villon se présente, assez complaisamment, comme la victime d'un déterminisme astral et du mauvais vouloir de dame Fortune, allégorie dont le Moyen Age a souvent fait tourner la roue capricieuse pour signifier les hauts et les bas de chaque destinée : infléchissant ce concept des vicissitudes humaines, il croit plutôt à la fixité de son guignon pesonnel et trouve là, sans conviction, un semblant d'alibi.
Un autre trait caractéristique de Villon est cette agressivité de sans-le-sou envers les nantis, à ne pas confondre avec une quelconque revendication sociale puisque que l'on sait que lui-même appréciait les avantages que procure l'argent. Par contre, un véritable sentiment de fraternité pour les déclassés, les déshérités, les miséreux, pour "le pauvre vieillard" objet de risées ou pour les filles perdues dont la débauche a souvent commencé par l'amour.
(1) LE SPECTRE DE LA MORT
Je congnoys que pauvres et riches,
Je congnoys que pauvres et riches,
Sages et folz, prebstres et laiz(*),
Noble et vilain, larges et chiches,
Petitz et grans, et beaulx et laidz,
Dames à rebrassez colletz(**),
De quelconque condicion,
Portant atours et bourreletz,
Mort saisit sans exception.
Et meure Paris et Helène,
Quiconques meurt, meurt à douleur.
Celluy qui perd vent(***) et haleine,
Son fiel se crève sur son cueur,
Puys sue Dieu sçait quelle sueur
Et n'est qui de ses maulx l'allège :
Car enfans n'a, frère ne soeur,
Qui lors voulsist estre son pleige.
La mort le faict fremir, pallir,
Le nez courber, les veines tendre,
Le col enfler, la chair mollir,
Joinctes(****) et nerfs croistre et estendre.
Corps feminin, qui tant es tendre,
Polly, souef(*****), si précieux,
Te faudra-t-il ces maulx attendre ?
Ouy, ou tout vif aller ès cieulx.
Petitz et grans, et beaulx et laidz,
Dames à rebrassez colletz(**),
De quelconque condicion,
Portant atours et bourreletz,
Mort saisit sans exception.
Et meure Paris et Helène,
Quiconques meurt, meurt à douleur.
Celluy qui perd vent(***) et haleine,
Son fiel se crève sur son cueur,
Puys sue Dieu sçait quelle sueur
Et n'est qui de ses maulx l'allège :
Car enfans n'a, frère ne soeur,
Qui lors voulsist estre son pleige.
La mort le faict fremir, pallir,
Le nez courber, les veines tendre,
Le col enfler, la chair mollir,
Joinctes(****) et nerfs croistre et estendre.
Corps feminin, qui tant es tendre,
Polly, souef(*****), si précieux,
Te faudra-t-il ces maulx attendre ?
Ouy, ou tout vif aller ès cieulx.
* Laïcs
** Hauts collets plissés
*** Souffle
**** Jointures, tendons
***** Doux
** Hauts collets plissés
*** Souffle
**** Jointures, tendons
***** Doux
